Elle est nee a Notre croisee Plusieurs pays, des langues, des milieux.
La ou Notre perspective, au aussi titre que Notre lumiere, ne cesse de bouger, de changer.
La ou bien va avec tout comme dans la nature : le Coran de son pere, les icones de sa mere, le silence des maisons de Damas, l’effervescence de Beyrouth, le recit des grands malheurs, des Armeniens, les Grecs, les Ottomans, les potins, des confidences, les privations, des cachotteries. L’avenir donnait via le precipice d’un cote, via le ciel de l’autre. Elle a choisi le ciel. « me concernant une maison, c’est nos fenetres, me disait-elle recemment. Mes cloisons, c’est une excuse Afin de qu’il y ait des fenetres. Donc je regarde forcement dehors. »
Enfant unique d’un officier syrien turc de l’Empire ottoman, defait avec l’histoire, ainsi, d’une Grecque de Smyrne, rescapee in extremis une misere, Etel a eu d’instinct son genie : i§a a cree le large a partir d’une impasse. Avant d’etre douee Afin de l’ecriture, la pensee, la peinture, elle l’a ete Afin de vivre. « J’avais une vie avec ma mere, une vie avec mon pere, rarement les deux », me disait-elle. De sa mere elle a appris a voir la lune dans une casserole qui brille, de son pere elle a appris qu’il y a autre chose que soi dans une vie. Concernant le est, elle s’est debrouillee toute seule. « Cela reste vrai, ecrit-elle, que nous avons connu des enfances de lucidite exuberante. » que ces deux derniers mots lui ressemblent. Cela n’y avait aucun livres chez elle a la maison. Cela n’y avait pas de frontiere, aucun contradiction entre la tragedie et Notre comedie, pas plus qu’il n’y en avait au sein d’ ses yeux Di?s Que elle passait du rire aux larmes. Elle a dechiffre les etres et les arbres avant d’apprendre a lire. Et quand elle s’est mise a lire, elle a ete droit a ce qui compte. Dure ou douce, la vie qui coulait en elle etait fluide. C’etait en douleur debordee via l’humour ; de l’elan brise via un chagrin, une guerre, puis soudain retrouve grace au jaune d’une jonquille. C’etait de l’amour dans un cas comme dans l’autre. Elle a achete l’equilibre comme un oiseau, une fois pour l’ensemble de. L’espoir, le desespoir alternaient de maniere a ne limite nullement se gener l’un l’autre. Mes deux battaient dans ses ailes. Leur dosage tenait du miracle. « Je ne suis gui?re encombree par mon moi », me disait-elle. C’etait tres vrai.
Il lui arrivait meme d’oublier, i l’occasion d’une conversation, qu’elle etait bien la, assise dans une chaise : si, Afin de mieux exister, 1 souvenir reclamait d’elle 1 retour au passe, elle y allait.
Quand sa mere, occupee ailleurs, lui donnait des ordres : « Attends-moi, tais-toi, ne bouge gui?re », elle ne boudait pas, au contraire : cette dernii?re en profitait Afin de voyager en restant via place. Elle est au theatre. Les conversations, les petits details une vie quotidienne etaient pour elle votre que seront, pour nos autres enfants, des jouets merveilleux. Elle piochait dans constamment de quoi raconter mille histoires. Son art de conteuse lui est reste jusqu’au bout. Cela n’est nullement un de ses amis qui n’ait ete emerveille avec ses recits ou J’ai philosophie, la poesie et l’anecdote puisaient librement l’une au sein d’ l’autre. Elle voyait 1 ange dans l’anse d’une theiere. « Notre philosophie, pour bien Realiser, on ne devrait l’ecrire qu’en poemes », disait Wittgenstein. C’est peu dire qu’elle l’a fera. Elle ranimait Palmyre et Babylone avec un pas grand chose : une datingmentor.org/fr/flirt-review poignee de mots, un doigt pose sur une image. Mes guerres du Liban ainsi que la region l’ont devastee, mais n’ont nullement eu raison de son equilibre. L’integralite des malheurs, la totalite des bonheurs de l’univers arabe nous etaient rendus au centuple avec sa voix de petite fille au timbre grave. Sa maniere de dire « tu comprends ? » ou « c’est gui?re vrai? » a Notre fin d’une phrase est irresistible. Cela y avait dans le ton un tel melange de complicite et de tendresse que personne, hormis les casse-pied dont j’etais quelquefois, n’avait ma moindre envie de rompre J’ai magie avec un non ou un peut-etre. Approuver Etel c’etait dire oui a la vie au sens ou l’entendait Nietzsche. Ses « yiiiy », ses « yay » d’enthousiasme ou de colere la relancaient tel du vent pousse une vague. Elle ne s’emportait nullement, elle se laissait emporter. Quand i§a ramassait en une courte phrase le sens de son propos, elle levait des bras, attrapait l’air a deux doigts tel on souleve un mouchoir, puis le lachait d’un coup en disant « Ma heyk ? N’est-ce gui?re ? » Elle faisait pareil a J’ai fin d’une toile. Ses petites mains d’enfant avaient la joliesse que le visage n’avait gui?re et son visage avait la grace que bien des beautes ne connaitront jamais. J’en connais minimum, a vrai dire, qui aient si bien vieilli. Le sourire se fichait tant des convenances, des apparences, qu’a peine arrive, il prenait toute la place. Quant a le regard, y est si vivant, si nu, si mobile, qu’il avait tous les ages. On en oubliait la teinte. On le voyait s’arreter en plein vol, se concentrer, verifier une pensee, puis s’eclairer d’un coup. D’epouvante ou de joie, peu importe : il s’eclairait. Elle decouvrait ensuite ce qu’elle disait en le disant. Etel tenait bon nombre plus a penser qu’a votre qu’elle pensait. Dire une chose puis son contraire est sa facon d’etre fidele aux caprices du temps. Elle etait bien entiere dans ce qu’elle observait. Si c’etait 1 tilleul, elle est son vert, ses feuilles, le vent. Si c’etait vous, elle est au secret de ce que vous taisiez. Si c’etait la montagne, elle est le chapeau de neige, le blanc, son mauve. Ce pouvait etre le Sannine ou le mont Tamalpais, comme ce pouvait etre un caillou pose sur le bureau. Ayant appris aussi tot a reunir des extremes, elle allait pouvoir aller a toutes les quatre coins de l’univers sans se perdre. Elle allait surtout demeurer a pas l’enfant qu’elle est. Une intensite d’etre, exposee a J’ai souffrance, mais toujours prete a l’aventure qui secoue le malheur ; constamment protegee par l’ange qu’elle pantalon pour elle-meme et pour les autres. Dotee d’une intelligence superieure, elle n’avait aucun besoin de s’en occuper, d’en tirer fierte. Elle se contentait de s’en servir au meme titre qu’un ecureuil se sert des pattes Afin de bondir. Elle s’est ainsi sauvee de l’integralite des poses, de l’integralite des « isme » : a l’exception de l’humanisme, bien sur. Ce qu’elle ecrit de le amie Yourcenar coi»te i sa place. « Elle a construit son propre pont. »